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Conserver le leadership en cancérologie

La cancérologie est un des fleurons français, notamment grâce à sa structuration. Sophie Beaupère, Déléguée générale d’Unicancer, le réseau des 18 Centres de lutte contre le cancer (CLCC), nous parle des défis majeurs restant à relever : une augmentation du nombre de cancers, des tensions sur les ressources humaines médicales et soignantes et un système de financement à faire évoluer.

Qu’attendez-vous du PLFSS 2024 ?

Notre priorité numéro 1 est qu’il rétablisse une équité de traitement entre les établissements de santé relevant du service public. Dans le cadre de financement actuel, les CLCC subissent en effet un coefficient de minoration des tarifs vis-à-vis de l’hôpital public de 2,73 %, soit 40 millions d’euros par an, qui les pénalise fortement. Dans le même temps, avec 460 000 nouveaux cas de cancers chaque année, leur activité a augmenté de 22 % entre 2019 et 2023. A ce jour, ce point n’est toujours pas inscrit dans le PLFSS alors qu’un rapport IGAS/IGF d’octobre 2020 intitulé « l’évaluation du différentiel de charges entre les établissements publics de santé et établissements privés à but non lucratif » confirme que ce coefficient doit être supprimé. Nous souhaitons également que soit rouvert un cadre de financement de l’investissement équitable. Car les CLCC, alors que leur activité représente 2,8 % du total de la T2A et qu’ils portent des projets d’investissement structurants, n’ont bénéficié que de 0,44 % de l’enveloppe nationale de 19 Mdse du Ségur.

Notre priorité numéro 2 est de mettre en œuvre une logique de financement des soins fondé sur les parcours à la fois dans le PLFSS 2024 mais également dans le travail fait sur la réforme de financement. Par exemple, Unicancer et la FNEHAD estiment à 2 Me les économies réalisées pour l’assurance maladie par la mise en place d’un financement au forfait pour la prise en charge des patients traités par chimiothérapie injectable en HAD.

Comment valorisez-vous les données de santé ?

L’accélération numérique et l’intelligence artificielle vont permettre de préciser de plus en plus les diagnostics et d’individualiser les traitements. Unicancer et les CLCC ont développé depuis plus de dix ans des programmes permettant de recourir aux données anonymisées de plus d’1,5 million de leurs patients et travaillent avec de multiples partenaires au niveau national et européen, dont le Health Data Hub, pour évaluer les stratégies thérapeutiques, expliquer les effets secondaires des traitements et analyser la qualité de vie réelle des patients atteints de cancers du sein, du poumon ou de l’ovaire notamment.

Comment améliorer la prévention en France ?

Comme le souligne la stratégie décénnale de lutte contre les cancers de l’INCa, 40 % des cancers pourraient être évités en agissant sur les comportements à risques (tabac, alcool, rayons UV), les modes et habitudes de vie (nutrition, sédentarité) ou les expositions environnementales. Dans ce contexte, Unicancer porte des programmes de prévention de plus en plus personnalisés tels que le projet Interception lancé par Gustave Roussy qui a pour objectif d’identifier au plus tôt les personnes à risque augmenté de cancer afin de leur proposer une prévention personnalisée et de mieux les prendre en charge, dans le cadre d’une collaboration ville-hôpital. Unicancer a déposé, en 2023, une lettre d’intention Article 51 afin de passer du projet pilote à une expérimentation nationale.

Que préconisez-vous pour faire avancer la recherche clinique française ?

Dans un contexte où 45 % des essais industriels initiés sur le territoire national en 2020 concernent le cancer et où la France participe à 15 % des essais mondiaux en oncologie, nous devons soutenir la dynamique de recherche en cancérologie, en particulier pour les phases précoces (I et II) des essais cliniques. Il s’agit notamment de rebâtir le modèle des hôpitaux universitaires modernes pour faciliter l’activité de recherche hospitalo-universitaire des centres experts comme les CLCC. Le réseau Unicancer salue à ce titre la création de l’AIS ainsi que les actions menées dans le cadre du plan France 2030 (IHU, Paris Saclay cancer cluster). Il est force de propositions pour que le cadre réglementaire de la recherche clinique puisse s’adapter à l’accélération des innovations, en développant par exemple de nouvelles méthodologies d’essais cliniques s’appuyant sur les bras synthétiques et les jumeaux numériques. 

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