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Brexit : le Sénat défend la pêche française auprès des autorités européennes

A Bruxelles, le président de la Commission des Affaires européennes du Sénat, Jean Bizet (LR, Manche) et le sénateur Philippe Bonnecarrère (UDI-UC, Tarn) ont plaidé la cause de la pêche française face à Karmenu Vella, Commissaire européen aux Affaires maritimes et à la pêche.

Le Brexit n'est pas seulement regardé avec appréhension par les places financières et les entreprises, il l'est aussi par les pêcheurs français. Et dans ce contexte du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, l'avenir de la Politique Commune de la Pêche suscite de vives inquiétudes. C'est l'une des raisons pour laquelle la Commission des Affaires européennes du Sénat a souhaité rencontrer les autorités européennes pour leur faire part « de leur vigilance quant à l'accès aux eaux britanniques, aux modalités futures du système des quotas de pêche, ainsi qu'à la pérennité du système de Rendement Maximal Durable (RMD) de gestion des ressources halieutiques ». « Bien que le Brexit vienne tout juste d'être déclenché par le gouvernement britannique, il faut, dès à présent, en anticiper toutes les conséquences sur un horizon à moyen et à long terme » explique Jean Bizet qui pense « qu'un « divorce conflictuel » pourrait saper la Politique Commune de la Pêche, telle qu'elle a été construite depuis 1983 ». « Les risques de conflits commerciaux ou de mesures douanières de rétorsion ne doivent pas être mésestimés. Il en va de même pour les contentieux, qui pourraient résulter des pratiques des pêcheurs britanniques. Le dossier de la coquille Saint Jacques en Baie de Seine fournit une illustration, à petite échelle, des difficultés qui pourraient apparaître à grande échelle à la suite du Brexit » juge-t-il.

« Les Britanniques pêchent mais ne consomment pas »

En janvier dernier auditionné par la mission d'information sur les conséquences du Brexit présidée par Claude Bartolone, Président de l'Assemblée nationale, Hubert Carré, directeur général du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM) déclarait déjà aux députés que pour la pêche française, le Brexit revêtait à la fois un enjeu territorial et économique. « Pour les marins anglais, la logique du Brexit voudrait que les pêcheurs français mais aussi hollandais, belges, allemands, espagnols sortent de leur zone économique et qu'eux seuls puissent y pêcher ». Avec la politique commune de la pêche, tous les Etats membres ont pourtant décidé de mettre en commun leurs eaux et leurs ressources halieutiques ; un partage a ensuite été établi. La France parce qu'elle possédait plus de 10 000 navires à l'époque « a obtenu une grosse part du gâteau qu'elle a conservée » raconte Hubert Carré qui redoute une possible renégociation des totaux admissibles de captures (TAC) et des quotas de pêche. « La part de la France est toujours calculée sur 10 000 navires. Or, aujourd'hui le nombre de navires en métropole est de 4500. Autant vous dire que les Anglais ne vont pas accepter qu'on recalcule les droits sur 10 000 navires que la France n'a plus ». Mais ce qui le préoccupe aussi, c'est « le risque de déferlante de produits britanniques à bas prix ». « Les Britanniques pêchent mais ne consomment pas » explique le marin qui veut à tout prix éviter l'arrivée sur le marché de Rungis de poisson anglais moins cher que le poisson français débarqué sur les criées de Boulogne-sur-Mer, Lorient ou Le Guilvinec.

L'intérêt des professionnels de la pêche

A Bruxelles, les parlementaires qui étaient fort opportunément accompagnés par une délégation du CNPMEM, conduite par son président, Gérard Romiti ont voulu rappeler que la pêche, qui représente dans notre pays 48 000 emplois au total, dont 18 000 emplois directs, sera, selon eux, l'un des secteurs de l'économie française les plus affectés par le Brexit. Il s'agit donc pour les pouvoirs publics français d'être particulièrement attentifs à l'occasion des négociations à venir. « D'une façon générale, les pêcheurs d'un pays sortant de l'Union européenne ne sauraient se soustraire à toute règle et contrainte, au détriment des efforts réalisés par les professionnels des Etats membres de l'Union. Il en résulterait très rapidement une situation anarchique, préjudiciable à tous » argumentent d'une même voix sénateurs et professionnels. D'ailleurs, en dépit du Brexit, le Royaume-Uni demeure partie prenante aux négociations en cours sur le plan de gestion des stocks en mer du Nord : la « régionalisation » des ressources halieutiques s'impose à tous les acteurs économiques et politiques. « Le marché intérieur européen doit voir ses acquis préservés et sa cohésion maintenue, aussi bien dans l'intérêt des professionnels de la pêche que des 450 millions de consommateurs qui y vivent » finit par indiquer Jean Bizet qui a par ailleurs assuré que la Commission des Affaires européennes du Sénat défendrait « fermement » ses principes auprès des autorités européennes. 

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